- CLÉOPHON (PEINTRE DE)
- CLÉOPHON (PEINTRE DE)CLÉOPHON PEINTRE DE (actif \CLÉOPHON (PEINTRE DE) 440 env.-\CLÉOPHON (PEINTRE DE) 410)Parmi les peintres de vases attiques de la seconde génération du style «libre», à l’époque où le premier classicisme atteint son apogée dans le domaine de la sculpture avec Phidias, il en est peu dont nous connaissions le nom, à cause du manque de signatures. Il est possible d’en citer deux ou trois, tout au plus, et encore ne s’agit-il pas des meilleurs artistes. Aison, qui a signé une coupe conservée au Musée archéologique national de Madrid (inv. 11265) ornée de la représentation des exploits de Thésée, et auquel on attribue une cinquantaine d’autres vases de taille petite ou moyenne, a été naguère considéré comme un artiste de tout premier plan; mais si son écriture fluide ne manque pas, à l’occasion, d’énergie expressive et de sens du mouvement (par exemple dans l’amazonomachie qui décore le lécythe à fond plat, Musée national de Naples, RC 239), on ne peut que noter dans beaucoup d’œuvres qui datent des environs de \CLÉOPHON (PEINTRE DE) 420/\CLÉOPHON (PEINTRE DE) 410 une certaine monotonie d’invention et quelque maniérisme de l’effet plastique. Polygnotos, homonyme du grand peintre originaire de Thasos, mais à coup sûr différent de lui, a signé au moins cinq vases (dont deux stamnoi qui représentent chacun sur une face une centauromachie et conservés l’un à Bruxelles, Musées royaux, A 134, l’autre à Londres, British Museum, 96.7-16.5), et l’on reconnaît sa main sur environ soixante-dix autres, en général d’assez grande taille; entouré de beaucoup d’élèves et de collaborateurs, il a occupé une place importante dans la production athénienne entre \CLÉOPHON (PEINTRE DE) 445 et \CLÉOPHON (PEINTRE DE) 430 env.; marqué à ses débuts par le Peintre des Niobides, dont il fut peut-être l’élève, il subit ensuite la nette influence de la sculpture contemporaine, en particulier celle de Phidias, et il s’efforça d’exprimer sur les visages de ses personnages une gravité reflétant la vie intérieure; mais comme il lui manque le sens profond de la spiritualité ou même du pathétique, et que la qualité du dessin laisse parfois à désirer, il n’aboutit trop souvent qu’à une sorte de masque figé que ne parvient guère à animer la vivacité des gestes (par exemple le combat d’Achille et de Penthésilée sur l’amphore de Londres, British Museum, E 280, qui souffre beaucoup de la comparaison avec le chef-d’œuvre du Peintre de Penthésilée sur le même sujet).Le meilleur représentant des peintres de l’époque de Phidias est un anonyme, sans doute formé dans le cercle de Polygnotos, mais très vite indépendant, que l’on appelle conventionnellement Peintre de Cléophon, d’après le nom d’un jeune homme dont la beauté est célébrée par l’acclamation Kleophon kalos («Cléophon est beau») sur l’une des faces d’un stamnos du musée de l’Ermitage (810, Saint-Pétersbourg). Le Peintre de Cléophon est un spécialiste des vases de grande taille, et on lui attribue à ce jour la décoration d’environ soixante-dix stamnoi, cratères, amphores, pélikai et hydries. Sans se soucier de rivaliser avec la grande peinture et sans chercher à introduire, par exemple, perspective ou profondeur de champ dans ses tableaux, il se contente, au moins dans sa meilleure période, d’être un excellent peintre de vases et de soigner avant tout la qualité du dessin par la rigueur des lignes et l’attention apportée au détail. Ses sujets préférés sont des plus classiques: adieux du guerrier, sacrifice, kômos (joyeuse farandole), banquets, scènes de palestre, scènes de conversation, surtout entre hommes, selon la tradition, mais aussi entre femmes (par exemple sur l’hydrie de Munich, Museum antiker Kleinkunst, 6452, ou le cratère en calice de Syracuse, Musée national, 23794) selon une évolution du goût de l’époque, d’ailleurs beaucoup plus sensible chez d’autres peintres contemporains, par exemple le Peintre d’Érétrie. Les scènes mythologiques sont rares: quatre amazonomachies, quelques scènes dionysiaques, un retour d’Héphaistos, deux représentations d’Apollon et Marsyas, une d’Éos — l’Aurore — et de Képhalos.Le Peintre de Cléophon ne craint pas la répétition des scènes familières, mais il les traite le plus souvent avec une dignité, presque une solennité, qui leur confère un caractère exceptionnel. Les visages de ses personnages sont empreints d’un sérieux qui les rapprochent tout à fait de ceux des reliefs de Phidias sur la frise du Parthénon, ou de ceux de certaines stèles funéraires contemporaines, avec la même façon d’incliner légèrement la tête vers l’avant, comme souvent d’ailleurs chez le Peintre d’Achille (ainsi dans la magnifique scène d’adieux du stamnos de Munich, Museum antiker Kleinkunst, 2415).La meilleure période du Peintre de Cléophon se situe à ses débuts, vers \CLÉOPHON (PEINTRE DE) 440/\CLÉOPHON (PEINTRE DE) 430, à l’époque justement des sculptures du Parthénon; c’est alors qu’il fait indiscutablement preuve de cette «grandeur simple dans des compositions calmes», soulignées par J. M. Hemelrijk. Les scènes baignent dans une atmosphère méditative. Influencé manifestement par Phidias, le Peintre de Cléophon «ne se montre pas seulement un imitateur facile, mais un interprète, qui réussit à transporter dans la céramique l’esprit des créations du grand sculpteur», selon les judicieuses remarques de G. Gualandi. Après \CLÉOPHON (PEINTRE DE) 430, l’art du Peintre de Cléophon s’affadit progressivement; les attitudes et les gestes deviennent stéréotypés, comme si la routine avait pris la place de l’invention créatrice. Le Peintre de Cléophon n’arrive pas à se renouveler, même s’il essaie par exemple d’adapter le dessin de ses draperies en augmentant le nombre des détails intérieurs; sans doute vit-il son succès aller en décroissant, le goût du jour prisant plutôt, à partir des environs de \CLÉOPHON (PEINTRE DE) 425, un style «fleuri», qui lui est étranger et dont le plus célèbre représentant est le Peintre de Meidias.
Encyclopédie Universelle. 2012.